Anita Björk - Bio et photos
Anita Björk est une actrice suédoise, née Anita Barbro Kristina Björk à Tällberg le 25 avril 1923 et morte le 24 octobre 2012 à Stockholm.
Au théâtre, elle débute en 1943 au Théâtre dramatique royal (Kungliga Dramatiska Teatern, abrégé Dramaten, en suédois), où elle a interprété une centaine de rôles jusqu'en 2000, dans des pièces de William Shakespeare, August Strindberg, Jean Anouilh, Euripide, entre autres.
Au cinéma, dès 1942, elle participe à des films majoritairement suédois (si l'on excepte un film américain en 1954), dont plusieurs dirigés par Gustaf Molander ou Alf Sjöberg.
À la télévision, à partir de 1955, elle tourne des téléfilms, réalisés notamment par Ingmar Bergman (elle avait déjà participé à l'un de ses films en 1952 et le retrouvera aussi, comme metteur en scène, au théâtre), ainsi que dans trois séries.
En 1953, elle épouse l'écrivain suédois Stig Dagerman (qui se suicide l'année suivante).
Anita Björk - Wikipedia (français)
Anita Björk - Wikipedia (english)
" L’élégance était devenue son style, la sobriété sa griffe, l’intégrité sa marque de fabrique. Anita Björk. Un nom qui restera à tout jamais rattaché au Théâtre Dramatique Royal de Stockholm, le prestigieux Dramaten. Celle qui restera dans les mémoires comme l’une des actrices de théâtre et de cinéma les plus respectées de Suède, s’est éteinte hier matin, mercredi 24 octobre, à l’âge de 89 ans. C’est avec émotion et l’urgence qu’impose l’annonce d’une telle nouvelle que je tenais, absolument, à rendre hommage à cette grande dame qui aura servi et honoré le cinéma et l’art dramatique suédois durant plus de cinq décennies, grâce à une polyvalence pleine de puissance, d’audace et de passion.
J’imagine aisément tout ce que les houleuses périodes traversées par Anita Björk au cours de son existence auraient pu fournir de pages à lire si elle avait consenti à écrire son autobiographie. Il reste que le mystère par lequel elle souhaitait envelopper sa vie reste désormais sauf, comme préservé, à jamais, et le demeurera ainsi, j’imagine, maintenant qu’elle s’en est allée. Car, autant le dire tout net, Anita Björk était entourée d’un mystère fascinant. Une grande discrétion auréolait sa vie, lorsqu’en retour, comme une juste contrepartie, elle ne questionnait ni ne se mêlait jamais de celle des autres. Admirable Anita Björk, qui pouvait aussi se montrer drôle et dure dans le même temps, jusqu’à parfois même apparaître effrayante, voire terrifiante, y compris dans ce qu’elle avait à affirmer. On disait son sens de l’humour aussi grand que spécial, c’est-à-dire singulier, bien à elle. Ses blagues n’étaient pas toujours appréciées ni faciles d’accès si on ne la côtoyait pas de près. La douceur et la sensualité qui émanaient de son immense autorité, dans la vie comme sur les planches, pouvaient même, paradoxalement, se transformer en quelque chose de menaçant. Elle-même, d’ailleurs, en avait conscience et incitait le public qui venait la voir sur scène, à faire preuve d’une extrême vigilance à cet égard. Car un grand acteur, quel qu’il soit, se doit sans cesse d’obliger son spectateur à être sur ses gardes. C’est dire la légende du théâtre qu’incarne Anita Björk.
Née le 25 avril 1923 à Tällberg, dans la province du Dalarna, Anita a grandi dans une famille d’artistes, assez stricte (son père était violoniste). Rien d’étonnant à ce que la petite affiche très tôt son intérêt pour l’art et la scène : à 13 ans, dans le théâtre amateur, à Stockholm – elle y croise Ingvar Kjellson – tout en fréquentant, brièvement, l’école de l’Opéra Ballet. Après des études à l’Ecole Française, et un passage dans le théâtre de Gösta Terserus, elle est autorisée en 1942 à intégrer le Dramaten où elle côtoiera la grande Mai Zetterling, qui reste à ce jour la réalisatrice la plus célèbre de Suède. Anita a alors 19 ans et s’y formera jusqu’en 1945. Depuis ce jour, le Théâtre Dramatique Royal devient sa demeure, une maison pour la vie. Elle débute au cinéma dans "Det är min musik" de Börje Larsson et "Himlaspelet" ("Le Chemin du ciel") d’Alf Sjöberg. Sur scène, elle incarne des rôles d’importance, se faisant remarquer notamment dans "Huis clos" de Sartre ("Inför lyckta dörrar") et surtout "Les Bonnes" de Jean Genet ("Jungfruleken"), mise en scène en 1948 par Mimi Pollak.
Sa carrière explosera en 1951 grâce à "Mademoiselle Julie" ("Fröken Julie"), l’adaptation qu’a tirée Alf Sjöberg de la fameuse pièce d’August Strindberg. Le film remporte la Palme d’Or à Cannes et Anita Björk jouit dès lors d’une reconnaissance internationale. Un tel succès ne pouvait que lui ouvrir les portes d’Hollywood. De nombreuses propositions s’offrent à elle. Alfred Hitchcock lui-même est conduit à s’intéresser à elle pour les besoins d’un film : c’est à Anita Björk qu’il réservait le premier rôle féminin, dans "La Loi du silence" (I Confess, 1953). Celle-ci l’accepta. Finalement, la proposition n’accéda sur rien et c’est Anne Baxter qui joua le rôle. La raison ? C’est que l’on jugeait sa relation avec Stig Dagerman préjudiciable pour ses perspectives de carrière aux Etats-Unis. Vivre en couple avec un homme marié, dans la très puritaine Amérique des années 50, était vu d’un mauvais oeil, si bien que la "Warner", par la voix de son président, qui reprochait à Anita Björk de vivre dans le péché, exigea d’elle que son compagnon accélère la procédure de divorce, à défaut de quoi elle n’entamerait aucune carrière à Hollywood. Elle n’en fit rien, et tous trois (Stig, Anita et leur fille) plièrent bagages pour rentrer au pays. Faut-il reprocher à Stig Dagerman de lui avoir fait rater des opportunités professionnelles ? Stig, qui – pour des raisons plus existentielles – se suicidera en 1954, et Anita s’étaient rencontrés au théâtre (et partageaient le même amour pour les textes de Carl Jonas Love Almqvist). Elle en parlait toujours comme d’une âme soeur. Aussi son choix, face à cette intrusion de la "Warner" dans leur vie privée, ne pouvait-il être que ferme, tranché et définitif. Néanmoins, après le mort de Dagerman, elle tournera pour le compte de la "Fox" aux côtés de Gregory Peck, dans "Les Gens de la nuit" de Nunnally Johnson ("Night People", 1954), et se produira en Angleterre et en Allemagne, mais l’actrice rentrera très vite à Stockholm pour des raisons personnelles.
Au fil des années, le parcours d’Anita Björk coïncidera avec une douzaine de productions d’Ingmar Bergman, en commençant par "L’Attente des femmes" ("Kvinnors väntan", 1952). Dans les années 90, elle incarne la Reine Victoria dans le film de Bille August "Les Meilleures Intentions" ("Den Goda viljan", 1992), scénarisé par Bergman : Anita figure parmi une ribambelle d’acteurs bien connus, tels Pernilla August, Max von Sydow, Börje Ahlstedt, etc. Le film est primé : Palme d’or à Cannes, s’il vous plaît ! Une autre collaboration, la même année, est à signaler avec le maître de Fårö : le tournage pour la télévision suédoise de la "Marquise de Sade" (1992), d’après un texte de Yukio Mishima, où elle incarne Madame de Monteuil. Plus tard, elle apparaîtra dans "Entretiens Privés" ("Enskilda samtal", 1996), écrit par Bergman et dirigé par Liv Ullmann, puis dans "En Présence d’un Clown" ("Larmar och gör sig till", 1997). Je n’oublierai pas de citer deux pièces du grand Per Olov Enquist, d’abord sous la direction de Per Verner-Carlsson, "Tribadernas natt" (1975), où Anita Björk incarne Siri von Essen (la première épouse d’August Strindberg), et, en 1998, elle joue une autre figure mémorable, Selma Lagerlöf (la célèbre romancière, prix Nobel de Littérature en 1909) dans "Bildmakarna", mise en scène par Ingmar Bergman, qui l’adaptera deux ans plus tard pour la télévision. Cette représentation théâtrale, après une tournée européenne, sera donnée à la Brooklyn Academy of Music à New York. "Bildmakarna" sera le dernier film dans la carrière d’Anita Björk.
Des traits de visage épurés, une ligne discrète et élégante, des yeux à la prunelle desquels brillaient son intelligence théâtrale autant que son approche intellectuelle du métier et sa rigueur inlassable au travail, Anita est de ces actrices dont on se souviendra longtemps pour la clarté et les accents de la voix, tantôt profonde, tantôt mélodique, j’insisterai même pour dire "musicale". Car Anita Björk, dépositaire fabuleuse d’un grand sens du drame, faisait montre surtout d’une oreille absolue dans son domaine. Chez elle, le texte n’avait nulle autre destinée que d’être porté à l’oreille, étant entendu ici que la compréhension qui en découlait, l’expérience littéraire que l’on en tirait, concouraient beaucoup à forger la voix de son interprète, orientant par la même la qualité de sa présence sur scène (c’est par ailleurs ce même souci, celui de la voix comme instrument sonore, qui lui avait fait acquérir maintes expériences dans le théâtre radiophonique). Autant d’exigences, au fond, que révélait chacune de ses interprétations avec une force audible et un charisme qui n’ont eu de cesse durant des décennies de nimber l’actrice d’un halo de mystère, aussi mythique que celui qui avait enveloppé sa relation avec Graham Greene et son mariage, de courte durée, avec Stig Dagerman.
Anita Björk aura ainsi collaboré, dans sa très belle carrière (plus de 100 rôles, 46 incarnations au cinéma) avec les plus grands réalisateurs et metteurs en scène suédois : Gustaf Molander, Ingmar Bergman, Bo Widerberg, Mai Zetterling, etc. Je retiendrai, au nombre de ses interprétations les plus mémorables : "Les Amoureux" ("Älskande Par", 1964), de Mai Zetterling, avec Harriet Andersson et Gunnel Lindblom, "La Femme sans visage" ("Kvinna utan ansikte", 1947), de Gustaf Molander – scénarisé par Ingmar Bergman – et Ådalen 31 (1969), de Bo Widerberg. Sans omettre bien évidemment l’inoubliable "Mademoiselle Julie" (1951) d’Alf Sjöberg. Vila i frid Anita ! "