Clara Bow - Bio et Photos

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Clara Bow est une actrice américaine née le 29 juillet 1905 à New York et morte le 27 septembre 1965 à Culver City.

Principalement connue sous le surnom de It Girl, elle joue dans une cinquantaine de films entre 1925, où elle fait ses débuts dans Down to the Sea in Ships, et 1933, année de sa retraite, parmi lesquels d'incontestables réussites dont Kid Boots (1926) et Le Coup de foudre (It) (1927). Elle est un modèle des garçonnes, ou flappers, des années 1920.

À la suite de divers scandales liés à ses mœurs très libres, Clara Bow arrête sa carrière pour élever sa fille avec son mari, l'acteur Rex Bell. Ils s'étaient mariés en 1932 et ont eu deux enfants : Tony Beldon (né en 1934) et George Beldon, Jr. (né en 1938).

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"Clara Bow. Elle a été une immense star du cinéma muet dans les années 1920 aux Etats-Unis. La pellicule en noir et blanc ne captait pas ses cheveux roux mais l’extraordinaire expressivité de son visage, sa liberté, son talent hors norme de comédienne, oui. La première, avant Louise Brooks, avant Greta Garbo, avant Marlène Dietrich, elle a transporté les foules : les hommes rêvaient de l’enlacer, les femmes de lui ressembler. Même les enfants l’aimaient, sans doute pour cette sincérité franche et lumineuse qui émanait d’elle.

Elle a incarné son époque, celle où les jeunes femmes tourbillonnaient dans des robes enfin larges, cigarette aux lèvres, riant aux conventions qu’elles envoyaient valser. Et puis l’histoire d’amour avec le public a viré au cauchemar. Clara Bow a trébuché et est tombée. La machine hollywoodienne a lâché les chiens. Du statut de chérie, elle est devenue sorcière. Femme libre? Licencieuse, oui, ont hurlé les hypocrites. Sa carrière s’est arrêtée net. Elle avait tout juste 28 ans.

 

 

 

 

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Un roman amoureux

 

Sophie Pujas raconte ce destin broyé dans un roman amoureux qui se lit d’une traite, «Le Sourire de Gary Cooper». Le premier mérite du livre est évidemment de permettre à beaucoup de lecteurs de découvrir l’existence de Clara Bow. Et d’aller sur le Net regarder ses photos, visionner les extraits de ses films. Ni femme fatale, ni femme-enfant, elle avait ce don d’être elle-même, sans doute l’élégance ultime et la seule modernité qui vaille. Et celui aussi de capter et de transmettre les émotions à un degré qui fait d’elle une amie pour chaque spectateur, hier comme aujourd’hui. Son jeu, c’est frappant, n’a pas pris une ride.

«Amitiés posthumes»

On peut vivre des «amitiés posthumes», ces élans de reconnaissance envers des artistes disparus. Comme l’écrit Sophie Pujas, ils constituent même «l’un des grands charmes de l’existence»: «quand nous nous sentons à l’étroit parmi les vivants, malmenés par eux, il reste ce havre. Cette famille». L’auteure, qui signe ici son troisième livre, écrit à la première personne. Elle raconte à sa façon, en paragraphes enlevés, galopants mêmes, la vie de cette amie virevoltante, qui avait si bien su transcender les noirceurs de l’enfance avant d’être rattrapée par elles.

Sophie Pujas partage son émotion et sa colère face aux coups que recevra Clara Bow à cause de son envie de vivre et d’aimer comme elle le voulait. Elle se sent avoir une dette envers la jeune actrice: «avec ses faibles moyens – l’insolence, la beauté –, et sans y songer, Clara s’est battue pour que ma vie soit douce, je veux dire pour que les femmes choisissent leur place dans le monde».

Enfer familial

Il faut se représenter Brooklyn en 1905, l’année de naissance de Clara Bow: un bidonville où la misère frappe avec violence. Père alcoolique, mère atteinte de troubles psychiatriques, Clara grandit toute seule, en faisant les poings. Quitter l’enfer familial est une question de survie, physique et psychique. Seule respiration: le cinéma de quartier qui offre pour pas cher de quoi rêver d’un ailleurs possible.

Une revue de cinéma lance un concours: «Fame and Fortune» avec un petit rôle dans un film à la clé. Clara ne laisse pas passer sa chance et envoie une photo. Elle est retenue pour des bouts d’essais: elle comprend d’instinct qu’elle ne doit pas copier les actrices en vogue mais au contraire se distinguer en étant elle-même, c’est-à-dire en parvenant à convertir ses quelques années d’expérience, elle a à peine seize ans, en émotions justes. Clara Bow, la fille de rien, gagne le concours. Comme dans tous les contes de cinéma, son apparition sera coupée au montage. Mais peu importe. Clara a mis le pied dans la porte.

Bulles de champagne

Sa filmographie ne sera pas à la hauteur de son talent. Ernest Lubitsh l’a dirigée dans une comédie, Kiss me again. Malheureusement, le film sera perdu. Les autres longs-métrages qu’elle tournera seront des succès volatils ou des œuvres médiocres. Elle les illuminera tous de sa présence. Ses rôles sont souvent ceux de femmes qui n’ont pas froid aux yeux, qui choisissent les hommes qu’elles veulent aimer ou pas. Qui savourent leur liberté comme des bulles de champagne. Les jeunes filles qui avaient vingt ans dans les années 1920, rêvaient du toupet et de la grâce de Clara Bow.

La tendresse des vraies amies

Le film qui fera d’elle une star, c’est «It» adapté du roman du même nom de l’Anglaise Elinor Glyn. Le It, c’est ce quelque chose d’indéfinissable qui fait le sex-appeal : une certaine beauté, pas forcément fracassante, un charme massif et surtout l’insouciance de ce pouvoir d’attraction. Clara Bow sera la «It girl», la première de l’histoire puisque l’expression demeure en anglais et désigne aujourd’hui celles qui affolent toile et réseaux sociaux par leur dégaine, leur talent pour capter la lumière.

Gary Cooper et Clara Bow s’aimeront passionnément avant que l’un et l’autre aillent vers d’autres bras. Sophie Pujas raconte évidemment l’acharnement des premiers journaux «people», l’hypocrisie des studios et de leurs règles morales qui conduiront Clara à la chute et à l’asile. Elle écrit avec la tendresse des vraies amies qui aiment jusque dans les heures dépressives. Et qui savent que toute existence se résume à quelques éclats, quelques virevoltes sur un air de jazz et que ce sont ces notes-là dont il faut se souvenir."

Lisbeth Koutchoumoff

Le Temps

Sophie Pujas, «Le Sourire de Gary Cooper», L’Arpenteur, 108 p.

 

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"Grâce au cinéma, cette rousse explosive échappa de peu à l’usine ou, pire, à un destin tout tracé de péripatéticienne. Juste avant Jean Harlow et bien avant Marilyn, qui fut son héritière la plus naturelle, Clara Bow porta quelques années durant la couronne du premier véritable sex-symbol de l’histoire du cinéma américain. Celle qui faisait fantasmer les hommes et dont les femmes voulaient toutes faire leur amie vécut librement et le revendiqua haut et fort. Mais après une série de scandales plus ou moins inventés par les tabloïds, l’« It Girl », tomba dans les oubliettes une fois le parlant venu. Et vécut les trois décennies suivantes dans une bataille quotidienne contre la psychose qui l’emporta dans la tombe.

Les étoiles ne se penchèrent pas sur le berceau de Clara Bow… Ses deux sœurs aînées étant mortes en bas âge avant cette dernière, le médecin avait conseillé à sa mère, Sarah, de ne plus avoir d’enfant. Mais celle-ci tomba enceinte à la fin 1904. Pendant l’été, New York subit une forte canicule et la mère et le bébé faillirent périr pendant l’accouchement, dans une chaleur étouffante de près de 40 °C à l’ombre, le 29 juillet 1905.

La petite fille passa une enfance misérable à Brooklyn, entre un père absent, Robert, et sa mère psychotique. La famille vécut dans quatorze endroits différents entre 1905 et 1923, toujours dans le même quartier miséreux. La petite fille n’avait pas 5 ans lorsque son père perdit son travail. Pour arranger le tout, le mariage Bow était malheureux : Sarah n’aima jamais Robert, qui lui vouait, lui, un amour très fort. De désespoir, il préféra déserter le domicile conjugal, qu’il regagnait rarement. En 1921, Sarah chuta du premier étage et fut gravement blessée à la tête. C’est sans doute là que fut découverte sa schizophrénie. Clara vivait depuis l’enfance dans la crainte des fréquentes crises incompréhensibles que piquait sa mère. En raison de son état, cette dernière ne put prendre normalement soin de son enfant. Ce fut au contraire la petite fille qui dut s’occuper de Sarah…

À l’école, Clara était moquée par ses camarades en raison de ses vêtements, qui ne pouvaient dissimuler sa pauvreté. Elle préféra donc rapidement la compagnie des garçons, avec qui elle aimait faire du sport. Elle était si douée qu’elle envisagea un temps de devenir professeur d’éducation physique. Assez solitaire et isolée, l’adolescente ne trouvait de bonheur qu’en allant voir des films. À 16 ans, elle eut une révélation : elle serait une star de cinéma. Provoquant la colère de sa mère, elle envoya un jour sa photo à un magazine qui organisait un concours et remporta le premier prix. À la clé, un petit rôle, mais pas de contrat.

Encouragée par son père, qui l’aimait profondément, Clara fit le tour des agences d’acteurs et des studios, mais ne plut à personne. Le verdict était toujours le même : trop jeune, trop petite ou trop grosse… L’envie de Clara de devenir actrice ne plaisait décidément pas à sa mère, qui lui dit même un jour qu’elle préférerait qu’elle meure ! Et il s’en fallut de peu pour que ce souhait macabre ne devienne réalité. Une nuit de février 1922, Clara se réveilla en sursaut. Sa mère tenait un couteau plaqué sur sa gorge. Mais la jeune fille réussit à maîtriser Sarah et à l’enfermer à double tour dans une autre pièce. Le lendemain matin, cette dernière ne se souvenait de rien. Elle fut rapidement internée et mourut le 5 janvier 1923 d’épilepsie.

Six mois plus tard, Clara fit ses adieux à son père et à la côte Est. Direction Hollywood ! À l’issue de deux années de patience et de persévérance, elle décrocha enfin un contrat à la Preferred Pictures, rachetée par la Paramount à partir de 1925. À 20 ans, Clara Bow rencontra enfin le succès. Rien d’étonnant à cela : son beau visage de bébé et ses grands yeux flirtaient avec passion avec le grand écran. Extrêmement douée pour bouger naturellement devant la caméra, elle excellait à lancer de petits sourires sous-entendeurs à la ronde. Surtout, elle personnifiait à merveille la femme moderne, insouciante, énergique, à l’indépendance chevillée au corps. C’était la garçonne dans toute sa splendeur, la femme idéale des années 1920, à la fois légère et superficielle en apparence, mais cachant un profond sentiment de tragédie mâtiné de désillusions. Contrairement aux vamps, mystérieuses et forcément fatales, comme Theda Bara ou Pola Negri, Clara avait les cheveux courts et portait des robes du même acabit. Distribuant sa joie de vivre tout autour d’elle, elle avait raison de toutes ses cibles.

Clara Bow plaisait particulièrement à la classe ouvrière, qui se retrouvait en elle, et devint rapidement le modèle à suivre des centaines de milliers d’Américaines qui allaient toutes les semaines au cinéma. Sa popularité était aussi due à sa simplicité. Contrairement à certaines de ses collègues, elle ne s’inventait pas des origines nobles, mais racontait la vérité aux journalistes. Tout le monde l’adorait : les hommes voulaient en faire leur petite amie et les femmes leur confidente. Ainsi, à partir du jour où les magazines révélèrent qu’elle était rousse (difficile de s’en rendre compte dans des films en noir et blanc…), les ventes de henné passèrent du simple au triple ! Quant aux personnes âgées, elles voyaient en elle une manifestation de l’arrivée imminente de la fin du monde, ce qui constituait un signe de plus que Clara Bow avait tout pour plaire dans le monde du cinéma.

À partir de 1925, la jeune femme devint une figure incontournable du septième art. Cette seule année, elle fut à l’affiche de quinze films ! Dans ces muets, dont certains sont devenus des classiques, elle tenait des rôles où sa jeunesse, son impertinence et sa tendance à flirter étaient particulièrement mises en valeur. Elle devint rapidement le symbole de la garçonne dans des films comme The Plastic Age en 1925 ou encore Dancing Mothers l’année suivante. Dans Mantrap, en 1926, la tendance maladive de son personnage à flirter avec tous les hommes lui fit connaître une fin tragique. Et dans Wings, un grand succès de 1927 — le premier long-métrage récompensé par un Oscar dans la catégorie « Meilleur film » — elle incarnait une jeune fille qui se battait pour attirer l’attention dans un monde d’hommes. D’après Clara, elle était « la cerise sur le gâteau » dans ce film, où elle n’hésita pas à se dénuder, ce qu’elle regretta plus tard.

C’est en 1927 que Clara Bow atteignit son apogée, triomphant dans It, un film adapté d’un article d’Elinor Glyn. À partir de là, la jeune actrice fut surnommée l’« It Girl », autrement dit celle qui avait du charme, du sex-appeal et la jeunesse. Dans ce film, elle endossa les habits d’une vendeuse de grand magasin très courageuse, qui voulait mettre son patron dans son lit. Un personnage osé, drôle et sexy, comme Clara Bow. Après avoir vu le long-métrage, des milliers fans énamourés envoyèrent des missives enflammées à leur idole, l’adressant tout simplement à « Miss It, Californie » ou « The It Girl ». Leur destinataire les reçut toutes !

Comme elle ne réservait pas sa joie de vivre pour le seul grand écran, la nouvelle coqueluche de Hollywood devint la cliente idéale des tabloïds. La jeune femme sortait beaucoup et se couchait souvent à l’aube, passant des nuits entières à jouer de l’argent. Sa vie amoureuse dépassait la fiction de tous ses rôles. Elle négocia même l’absence d’une clause de moralité dans son contrat avec la Paramount. Son effronterie ne fut cependant pas gratuite, et le prix à payer prit la forme d’une solitude subie à Hollywood. Contrairement à ses collègues comme Mary Pickford — surnommée « la petite fiancée de l’Amérique » — ou Marion Davies — la maîtresse de William Randolph Hearst —, Clara ne se cachait pas. Elle n’était donc pas populaire parmi ses pairs. On la considérait même comme une sorte de monstre de foire, car elle avait décidé de rester elle-même, coûte que coûte.

L’« It Girl » rapporta une fortune aux studios, mais ceux-ci abusèrent d’elle en essayant de la manipuler, la faisant passer pour une idiote. Ils la bourraient de médicaments, pour qu’elle se lève le matin, puis pour qu’elle s’endorme le soir. Les tabloïds commencèrent à multiplier les mensonges à son propos. Son attitude très franche, jusque-là un atout, se mua soudain en reproche quand la Grande Dépression frappa rudement le pays. Le vent avait tourné. À partir de là, l’actrice aux accents frivoles devint le symbole d’une industrie cinématographique dissolue.

Pour couronner le tout, Clara se retrouva engluée dans plusieurs scandales qui lui valurent un surnom moins glamour. Adieu « It Girl », bonjour « Crisis-a-Day-Clara » ! Son principal péché ? Son amour éhonté des hommes. Comme pour toutes les stars de son époque, ses conquêtes d’un soir devinrent ses « fiancés » dans la presse, puis l’alliance fut bizarrement rompue peu de temps après. Clara fut ainsi brièvement la promise de Gary Cooper, de Victor Fleming (futur metteur en scène d’Autant en emporte le vent) ou encore du « latin lover » Gilbert Roland. L’actrice avait aussi un faible pour les joueurs de football américain. Elle sortit avec plusieurs membres d’une équipe locale et organisa de nombreuses fêtes en l’honneur de celle-ci à son domicile. De là à prétendre que tous les joueurs lui étaient passés dessus, il n’y avait qu’un pas, que la presse à scandales s’empressa de franchir allègrement. Enfin la jeune femme entretenait aussi une relation problématique à l’argent, comme souvent quand on a grandi sans. Elle n’avait aucune idée de la façon de gérer ses revenus, un phénomène amplifié par son addiction aux casinos. Cela n’arrangea pas sa réputation. Pour la presse, elle avait désormais pour deuxième prénom « traînée ».

Un énième scandale, qui fit grand bruit en 1930, impliqua sa secrétaire, ancienne coiffeuse et amie Daisy DeVoe, qui, après une dispute, se volatilisa avec des documents privés concernant les finances et l’avenir de l’actrice. L’ancienne confidente fit du chantage à Clara, qui la dénonça à la police et la traîna en justice. Mauvaise pioche ! C’était la garantie que ce qu’elle souhaitait garder secret serait bientôt étalé dans la presse. Devant le juge, Daisy DeVoe insinua que son ex-patronne était ivre en permanence et multipliait les aventures. La traîtresse fut condamnée à une peine de prison, mais le mal était fait. De surcroît, la Paramount ne fit rien pour étouffer le scandale, car l’étoile de Clara Bow avait déjà commencé à pâlir. Les patrons du studio aspiraient en réalité à ne pas renouveler son contrat, qui devait s’achever en 1931. La situation empira quand la presse à sensation décupla les accusations de Daisy DeVoe, faisant de l’ex-« It Girl » une Marie-couche-toi-là bisexuelle, voire zoophile, pochtronne et droguée, dépensant sa fortune à tout-va et ayant un faible pour les parties de jambes en l’air à trois, de préférence en public. Comme elle nourrissait depuis l’origine l’image d’une hédoniste très attirante, les lecteurs n’eurent aucun mal à gober tous ces mensonges. En dépit de l’emprisonnement du directeur de la publication du magazine qui s’était le plus déchaîné contre elle, cette réputation lui collait désormais à la peau.

L’accumulation de rumeurs infondées et de scandales sonna le glas de la carrière de l’ex-idole. Sans oublier le poids de l’arrivée du parlant. Il est cependant un mythe concernant Clara Bow : la mort du cinéma muet aurait mis en évidence son accent de Brooklyn trop prononcé et/ou une voix désagréable, signant sa disparition du grand écran. Il n’en fut rien. L’actrice reçut même de fortes sommes d’argent pour tourner dans des films parlants, dont The Wild Party (1929), Love Among the Millionaires (1930) ou encore Call Her Savage, en 1932. Son dernier film fut Hoop-La, en 1933. Quand elle en fit la promotion en Europe, elle déclara à la presse : « Je veux être prise au sérieux en tant qu’actrice, pas être une “It Girl”. » Mais il était trop tard…

La vérité, c’est que le parlant lui avait fait perdre tous ses repères et sa confiance en soi. Elle détestait cette avancée technique, trouvant le jeu plus rigide, moins naturel. Totalement seule, attaquée de toutes parts, dépourvue de réel soutien, épuisée physiquement et mentalement, Clara Bow décida de mettre fin à sa carrière en 1933, à 28 ans. Celle qui avait gagné plus d’argent que toutes les autres stars féminines de l’époque tomba rapidement dans l’oubli, très vite remplacée dans les fantasmes nationaux par Jean Harlow, la première blonde platine. Vingt ans plus tard, dans Chantons sous la pluie, le rôle de Lina Lamont, la garçonne dénuée de talent, à l’accent new-yorkais à couper au couteau et à la voix très désagréable qui ne réussit jamais la transition vers le parlant, fut comme un coup fatal, mais ô combien injuste, porté à l’ancienne star.

Malheureusement, Clara ne vécut pas une retraite paisible. Elle souffrait de schizophrénie, comme sa mère. Or le stress de la célébrité n’avait pas arrangé sa santé. Elle vécut en recluse dans un ranch du Nevada avec son époux Rex Bell, un ancien acteur lui aussi, épousé en 1931. Ils eurent deux fils : Tony, né en 1934, et George, né en 1938. Toute sa vie, l’ancien sex-symbol se battit contre la schizophrénie, longtemps sans savoir qu’elle en était atteinte. Elle fit ainsi une tentative de suicide quand son mari voulut retrouver les faveurs du public en tentant une carrière politique dans les années 1940. En 1949, elle se fit hospitaliser en raison d’une insomnie chronique et de douleurs abdominales. C’est là que sa psychose fut diagnostiquée. Après sa sortie de l’hôpital, elle refusa de retourner dans sa famille et vécut à partir de là seule. À la fin de sa vie, elle était soignée en permanence par une infirmière. Elle décéda d’une crise cardiaque le 27 septembre 1965, près de Los Angeles.

Clara Bow vécut trois ans de plus que Marilyn Monroe, son héritière la plus naturelle, car dotée de ce savant mélange de jeunesse, de vulnérabilité, de sex-appeal, d’intelligence et de tristesse. Encore aujourd’hui, si on regarde ses films, on se dit que l’actrice semble toujours aussi attirante et moderne. C’est probablement grâce à sa façon de se mouvoir, à son regard, et à sa manière de séduire la caméra. Qu’il s’agisse de ses vêtements ou de sa coiffure, on pourrait les porter encore aujourd’hui ! Ce qui attire encore irrésistiblement est aussi cette très rare qualité dont étaient dotées quelques rares actrices, comme Jean Harlow, Rita Hayworth ou encore Marilyn Monroe : elles donnaient l’impression qu’il suffisait d’atteindre l’écran pour les toucher (et plus, si affinités). Clara Bow a en tout cas survécu dans l’inconscient collectif. La silhouette de Betty Boop fut en partie modelée d’après la sienne. Et elle inspira fortement la création du personnage de Peppy Miller dans The Artist (2011), interprété par Bérénice Bejo. Pour en savoir plus sur Clara Bow, je vous encourage à lire Runnin’ Wild (en VO), de David Stenn."

Géraldine Couget

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7 photo eugene robert richee