Joan Crawford - Bio et Photos
Joan Crawford, de son vrai nom Lucille Fay LeSueur, est une actrice et une productrice américaine née le à San Antonio au Texas, morte le à New York. Elle est l’une des stars les plus symboliques de l’âge d’or d’Hollywood. Elle a été l’une des actrices américaines dont l’étoile a brillé le plus longtemps et l'une des rares vedettes du muet qui soit demeurée encore une grande star au cours des années 1960. Sa carrière couvre ainsi, sur plus de quarante ans, les différentes époques des grands studios américains. Elle joua les filles délurées (les « flappers ») des années folles, les jeunes femmes arrivistes dans les années 1930, les femmes victimes dans des mélodrames des années 1940 et 1950. Elle obtient un Oscar en 1945 pour Le Roman de Mildred Pierce et est nommée par l'American Film Institute dixième meilleure actrice de légende du cinéma.
Joan Crawford - Wikipedia (english)
Joan Crawford's hand and footprints from 1929 at Grauman's Chinese Theater on Hollywood Boulevard
Née de parents séparés vivant modestement, Lucille Fay LeSueur grandit entre les petits travaux ménagers qu’elle effectue pour gagner de l’argent et sa passion pour la danse qu’elle pratique avec dévouement. Belle-fille du propriétaire d’un théâtre, elle fait ses débuts sur scène sous le pseudonyme de Billie Cassin (du nom de ce dernier) parcourant Chicago, Détroit ou Broadway en compagnie de sa troupe. Fraîchement divorcée de son premier époux, James Welton, à l’âge de 18 ans, elle se fait remarquer lors d’un concours de danse par le producteur de la MGM, Henry Rapf, qui lui propose de tenter sa chance au cinéma. La jeune fille y multiplie les figurations, jouant notamment les doublures de Norma Shearer, sa future concurrente, ou faisant une apparition non créditée dans La Veuve joyeuse de Erich Von Stroheim. C’est dans Les Feux de la rampe en 1925 qu’elle s’impose pour la première fois sous son propre nom. La même année, elle devient Joan Crawford, rebaptisée par le célèbre studio pour qui elle enchaîne une vingtaine de films muets, aux côtés notamment d’Harry Langdon (Plein les bottes) ou de Lon Chaney (L' Inconnu).
Ambitieuse et travailleuse, Joan Crawford se fait remarquer en 1928, grâce à sa prestation de danseuse de night club dans Les Nouvelles vierges d’Harry Beaumont. Avec ses cheveux courts et ses conquêtes faciles, elle incarne la jeune fille moderne (délurée) par excellence, s’épanouissant sur les accords enjoués et audacieux de la musique jazz, emblématique des années 20. Après le succès du film, l’actrice voit son salaire augmenter et ses projets s’affirmer : sur le qui-vive, la MGM lui prépare Jeunes filles modernes (1929) et Our Blushing Brides (1930), les deux autres volets d’une série qui confirmera son talent en même temps que son passage réussi vers le parlant. Peu à peu, la protégée du grand patron Louis B. Mayer est modelée à la façon des stars de la Metro Goldwyn Mayer : pommettes relevées, sourcils arqués et épais, dents polies et redressées, lèvres charnues, elle est en outre confiée aux bons soins du célèbre costumier Adrian qui de 1929 à 1943 l’habille, à l’écran comme à la ville. Jouant hier encore les faire valoir des vedettes masculines Nils Asther et William Haines dans les drames Dream of love ou The Duke steps out, la comédienne impose désormais son style, à la fois glamour et sexy, devenant vite l’égale de Norma Shearer qu’elle remplace dans Il faut payer en 1930 ou de Greta Garbo aux côtés de qui elle s’illustre dans la romance Grand Hotel. Son mariage avec Douglas Fairbanks Jr. lui permet parallèlement de pénétrer plus avant dans les milieux fermés du beau monde hollywoodien.
Lorsque le krach de Wall Street sonne la fin de la prospérité, Joan Crawford quitte les rôles d’aristocrates oisives pour ceux d’employées désireuses d’échapper à leur condition. L’actrice représente dès lors sans conteste l’idéal américain selon lequel les origines familiales ou sociales ne sauraient être des obstacles à l’ascension individuelle. Dans Fascination en 1931, elle campe ainsi une ouvrière d’une petite ville de province tentant sa chance à New York. C’est aux côtés de Clark Gable dans ce film puis par la suite, qu’elle connaîtra les plus belles heures de sa renommée, formant avec lui un couple idéal, attirant, fusionnel et … lucratif. Les deux stars feront huit films ensemble, variant les genres, du drame (La Pente), au musical (Le Tourbillon de la danse (1933)) en passant par la comédie (Souvent femme varie, Loufoque et Cie (1936)). Moins à l’aise dans le registre de la screwball comedy, Joan Crawford a peu à peu du mal à se renouveler, imposant un même registre dans les rôles titres de Sadie McKee ou de L' Enchanteresse de Clarence Brown, pour qui elle tourne sept fois, ou encore de L' Ensorceleuse de Frank Borzage qui la dirige quatre fois. Femmes de George Cukor lui rend la confiance du public : régnant sur la distribution féminine du film, elle s’impose franchement une dernière fois face à sa grande rivale, Norma Shearer. Suzanne et ses idées et Il était une fois du même cinéaste marqueront la fin de sa carrière prospère au sein de la MGM, qui à court de rôles pour elle, la "cède" à la Warner Bros.
Chez Warner, la grande star maison est Bette Davis. Mise en concurrence avec elle dès son arrivée, Joan Crawford connaît une renaissance magistrale avec Le Roman de Mildred Pierce, dont le scénario a été rejeté par la première. Émouvante comme jamais dans le rôle d’une mère dévouée et désenchantée, la superbe comédienne donne la réplique à Michael Curtiz dans un mélange soigné de film noir et de mélodrame, qui enflamme le public et la critique, et la récompense de l’Oscar de la meilleure actrice. Ses apparitions suivantes sont couronnées de succès. Sous la direction d’Otto Preminger dans Femme ou maîtresse, elle livre l’une de ses interprétations les plus naturelles, nuancées et délicates aux côtés des prestigieux Dana Andrews et Henry Fonda. Par la suite, sous l’œil affectueux du producteur Jerry Wald, elle sera employée à la Warner ou prêtée à la 20th Century Fox dans une série de rôles pensés pour elle seule, qui de 1945 à 1950 renforcent sa position d’icône vamp (La Possédée, Boulevard des passions de Michael Curtiz). En 1952, la comédienne quitte le studio et devient indépendante, alternant des rôles plus ou remarqués ; Johnny Guitar, le célèbre western de Nicholas Ray produit par la MGM, étant l’un des plus notables. C’est lorsque sa carrière commence à décliner que la Warner la remet en scène aux côtés de son autre égérie rivale, Bette Davis dans Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?. Un huis clos effrayant et un triomphe inattendu signé Robert Aldrich, qui réunit deux monstres sacrés vieillissants, au tempérament bien trempé. Par la suite, le metteur en scène propose aux comédiennes de tourner de nouveau sous sa direction dans Chut, Chut, chère Charlotte, mais Crawford malade décline l’offre, remplacée par l’amie de Davis, Olivia de Havilland. En fin de carrière, elle renforce son image sévère à l’affiche de films d’horreurs dont La Meurtrière diabolique. Après quelques apparitions à la télévision, elle quitte le métier au début des années 70, pour se consacrer à la multinationale Coca Cola, que lui a léguée son quatrième mari. Elle décèdera d’un cancer à la fin de la décennie.
Dépeinte comme une mère violente et cruelle par sa fille (dans une biographie intitulée Maman très chère, qui fera l’objet d’une adaptation avec Faye Dunaway), ou croquée par Disney qui s'inspire d'elle pour le personnage de la Reine Sorcière de Blanche-Neige, Joan Crawford est l’une des stars les plus impressionnantes de l’Age d’or d’Hollywood, dont la sévérité n’a d’égal que la beauté saisissante et le talent.
Lucille Le Sueur
La jeune actrice naît dans une famille pauvre de l'Oklahoma en 1906. Le premier amour d'une petite fille est son père. Elle ne connait pas son père biologique, il part quand elle est toute petite. C'est une cruelle déception et pour le restant de sa vie, elle se méfiera des hommes... Elle ne s'entend ni avec sa mère, Anna, ni avec son frère Hal et cela ne changera jamais : Elle a toujours cru qu' Anna préférait Hal.
C'était une fille et de ce fait, tenue à l'écart. Elle prendra le nom de Billie Cassin, patronyme de son beau-père, un gérant de théâtre, juste avant qu'il ne les quitte. Son expérience de l'école est humiliante, parce qu'elle y travaille comme domestique pour payer ses études.
Elle commence sa carrière comme danseuse dans des clubs à Chicago, à Kansas City... Elle va ensuite à Broadway. Puis, elle vient à Hollywood avec un contrat de danseuse et non d'actrice.
En 1925, la MGM annonce l'arrivée d'une nouvelle utilité, Lucille Le Sueur. Le vice-président Harry Rapf signe un contrat stipulant quand la MGM peut disposer d'elle à sa convenance. Lucille Le Sueur entre dans la course. Elle apprend le métier sur le tas, noue des contacts et ne perd jamais une occasion de se faire connaitre afin de percer dans le cinéma muet alors que les grandes actrices de l'époque sont Lillian Gish, Norma Shearer et Greta Garbo. Lucille joue d'ailleurs avec Norma Shearer. Elles sont soeurs jumelles aux caractères opposés. La tête de Lucille sert de doublure. Elle n'est pas très impressionnée par Norma et c'est le début d'une grande rivalité.
La vie dissolue de Lucille fait couler de l'encre. Elle acquiert une réputation de noceuse avec un penchant pour la danse, la boisson et les hommes. Elle va au Coconut Grove et adore danser. Tout le monde l'aime. Elle fréquente un des fils de la famille Cudahy, des abattoirs Cudahy. La famille ne voit pas cette liaison d'un bon oeil. Lucille n'est pas fréquentable. Après tout, elle n'est qu'une actrice de cinéma issue d'une famille tout aussi peu recommandable.
Joan Crawford, une starlette du muet
Après quelques mois à la MGM, Louis B. Mayer organise un concours pour trouver un pseudonyme à Lucille Le Sueur, un nom qui sonne comme le terme anglais "égout". Le premier nom choisi est Joan Arden, mais il existe déjà. C'est le second choix qui l'emportera avec Joan Crawford. Une nouvelle étoile est née. En devenant Joan Crawford, sa vie s'est cristallisée. Elle a enfin une identité. C'est sa façon à elle de tourner la page d'une enfance malheureuse...
Joan Crawford débute avec un rôle dans Sally, Irene and Mary (Poupées de théâtre, 1925) aux côtés d'Anita Page avec qui elle tournera quatre films. Au début, celle-ci ne la considère pas comme une grande actrice. Les studios ne savent pas quoi faire de leur starlette. Ils essaient la comédie, le drame et même les westerns mais l'accueil est mitigé. Louis B. Mayer décide de suivre son instinct et prend le risque de lui offrir un rôle dans The Taxi Dancer (Taxi Girl, 1927). Crawford est faite pour ce rôle. Sa jeunesse ou son absence d'éducation la fait apparaitre comme naturelle malgré la superficialité qui régnait alors toutefois l'industrie attribue l'échec de ses films à son manque d'expérience. Elle se retrouve confinée à des rôles seconds.
Dans le film, The Unknow (L'inconnu, 1927), elle joue une artiste de crique aux côtés de Lon Chaney. Lors de ce tournage, elle parfait son jeu d'actrice en observant son partenaire entrer dans la peau du personnage. Elle puise ses émotions dans son enfance difficile pour donner du relief à son jeu. La starlette devient actrice.
Un regain d'intérêt pousse la MGM à lui offrir un rôle dans Twelve Miles Out (Le bateau ivre, 1927) avec une autre vedette, John Gilbert. Le couple qu'ils forment à l'écran séduit le public, mais Joan Crawford continue de se perfectionner. Elle va sur les autres plateaux et essaye d'en apprendre le plus possible et surtout de se faire des amis. Mayer finit par remarquer les progrès de Joan. Il récompense sa plus belle découverte en lui payant le premier acompte d'une maison à Beverley Hills. Les studios lui offrent même une nouvelle voiture. Mais la médaille a son revers. Ivre, elle est impliquée dans un accident avec délit de fuite. Une affaire qui sera vite étouffée.
William Haines lui conseille de rester discrète. Il connait le prix de la gloire. Crawford et Haines resteront amis toute leur vie. La MGM compte sur cette amitié très médiatisée et les réunit à l'écran dans deux films. Lors du tournage de West Point (L'Irrésistible, 1927) avec Billy Haines, elle commence à avoir des ennuis avec les studios. Un cadet est renvoyé du tournage pour être sorti avec elle. Peu après, Billy et elle ont un accident de voiture. Les studios n'ont pas apprécié. Elle demandera également comment peut-on avoir de bons partenaires quand Norma Shearer couche avec le patron ? Elle défend donc sa carrière agressivement. Elle va se plaindre aux patrons, y compris Irving Thalberg : "Norma a tous les rôles et moi, je n'ai que le rebut."
Après un western peu apprécié de Joan et imposé par Thalberg à cause des dires de l'actrice à propos de Norma, elle décroche le rôle principal dans le film qui scellera sa gloire, Our Dancing Daughters (Les nouvelles vierges, 1928). Dans ce film, Joan Crawford est elle-même, ce que la MGM cherche à éviter depuis le début. C'est la Joan des clubs, la Joan qui impressionne tous les autres. Elle s'émancipe enfin et la réaction du public est phénoménale. Pour F. Scott Fitzgerald, Joan est l'exemple parfait de la flapper, une habituée des endroits chics, très sophistiquée, qui joue avec son verre avec un air plein d'amertume, qui danse et rit le regard triste.
Mrs Douglas Fairbanks
Le cinéma a une nouvelle star. Elle est Cendrillon, une danseuse devenue actrice, une véritable star de cinéma. Le salaire de Crawford atteint 250 dollars la semaine. Après le succès de Our Dancing Daughters, son salaire double. Elle peut s'offrir une maison à Brentwood, un quartier très chic. Elle organise des soirées, assiste aux premières et répond aux lettres de ses fans. Joan a tout, elle est le produit phare du plus grand studio d'Hollywood. Mais elle vit en marge de ce nouveau rang social.
Elle rencontre Douglas Fairbanks Jr. en 1927. Il joue à Hollywood dans la pièce Young Woodley. Elle lui envoit un mot pour le féliciter de son travail. Les journaux parlent d'une idylle entre la star de la Metro et le fils de l'un des dix hommes les plus célèbres du monde. Etre invité à Pickfair (résidence de Douglas Fairbanks Sr et Mary Pickford) signifie à l'époque que vous avez réussi à Hollywood mais la porte reste close pour Joan, son mode de vie est condamné par les époux Fairbanks. Joan n'est pas assez digne pour s'asseoir à la table de la classe privilégiée.
En mai 1929, Joan Crawford est immortalisée sur le parvis du Grauman's Chinese Theatre. Le couple se marie à New York le mois suivant, où l'absence de ses parents à lui ne surprend en rien la presse. La presse qui fait d'ailleurs tout un tapage médiatique autour du couple... Ils passent leur lune de miel en Europe.
Les films de Joan Crawford rapportent autant que ceux de Greta Garbo ou de Norma Shearer. Son succès financier lui vaut les bonnes grâces du directeur, Irving Thalberg. La MGM tourne la suite de Our Dancing daughters intitulée Our Modern Maidens (Jeunes filles modernes, 1929). Un rôle est dévolu à Fairbanks.
Les films parlants mettent en péril les acteurs de films muets. La MGM met tout en oeuvre pour promouvoir ses vedettes avec la comédie musicale The Hollywood Revue of 1929 (Hollywood chante et danse). Le public entend Crawford pour la première fois...
L'amour règne à la maison. Elle rebaptise sa maison El JoDo, d'après Joan et Douglas et surnomme Douglas, Dodo. Les soirées sont prestigieuses. Ils sont élus plus beau couple d'Hollywood. La glace se brise avec la belle-famille : elle est enfin reçue à Pickfair. Mais Mary Pickford ne l'accepte toujours pas.
Dans les années 30, elle s'adapte à l'image des femmes d'alors : de gentilles vendeuses. Dans Dance fools, danse (La Pente, 1931), elle incarne une journaliste qui démasque le chef d'une bande de tueurs joué par Clark Gable. Doug Jr se demande alors pourquoi elle rentre toujours tard : elle a de petits rendez-vous avec Clark... Ils tournent trois films ensemble. Dans Laughing sinners (La Pécheresse, 1931), elle est cette libertine sauvée par Gable, un officier de l'Armée du Salut. Clark et Joan se ressemblent, ils ont tous deux eu à se battre pour en arriver là, des sortes de "prolétaires" du cinéma. Lors du tournage de Possessed (Fascination, 1931), leur liaison devint sérieuse. Ils sont ensemble pendant plusieurs années, mais de son côté à lui, son mariage à une femme plus âgée, l'arrange bien. Il a ainsi son bouclier de protection contre les liaisons qui deviennent trop envahissantes.
Pour Letty Lynton (Captive) en 1932, Joan se réinvente. C'est pendant ce film qu'elle révèle son "visage" avec ces lèvres, ces sourcils et ces yeux, le visage qu'on lui connait... Les lèvres à la Crawford sont sujet à la plaisanterie à Hollywood. C'est une marque de distinction. Les sourcils, qu'elle accentue, sont sa signature. L'ensemble de sa garde-robe est dessinée par le costumier, Adrian. D'ailleurs, les rapports entre Joan et Adrian marquent le premier rapprochement entre un créateur et une actrice. Ils influencent ensemble la mode de cette époque. Letty Lynton remporte un vif succès, mais le grand film cette année-là est Grand Hotel (1932). Les acteurs sont remarquables ! Greta Garbo, John et Lionel Barrymore, Wallace Beery et Joan qui joue la sténographe de l'hôtel. C'est le chef d'oeuvre d'Irving Thalberg sur la déchéance à Berlin entre les deux guerres. Joan regrette de ne pas avoir de scène avec Garbo mais elle est contente de faire partie du film.
Après ce succès, Joan est prêtée à United Artists pour jouer Sadie Thompson dans Rain (Pluie, 1932). Son jeu d'actrice est excellent. Sa candeur est très touchante mais c'est un échec qu'elle n'oubliera jamais.
A Warner Bros, Bette Davis, jeune espoir du cinéma, fait ses débuts dans des rôles de femmes fortes et désabusées. Bette et Joan se rencontrent lors d'une conférence de presse. Bette s'adresse aux journalistes lorsque Joan, déjà star, entre dans la pièce et lui vole la vedette. Bette Davis fait voeu de destituer Joan Crawford...
Les années Franchot Tone
Le mariage avec Douglas Fairbanks s'étiole, Joan a de nombreuses liaisons mais lui aussi. Il est d'ailleurs poursuivi pour incitation à l'adultère. Il a besoin de sortir du monde du cinéma, ce monde qui convient à Joan mais pas à lui. Finalement, en mai 1933, Joan Crawford demande le divorce. Un nouveau chapitre de sa vie débute alors. La MGM met en avant Crawford avec la comédie musicale Dancing Lady (Le Tourbillon de la danse, 1933), après le succès rencontré par Busby Berkeley (chorégraphie et réalisateur). Dans ce triangle amoureux, Joan, une danseuse professionnelle, gagne les coeurs d'un producteur, Clark Gable, et d'un riche play-boy, Franchot Tone. Franchot est un gentleman de la côte est, elle n'en avait jamais rencontré et elle s'éprend de lui. La presse insinue alors une aventure entre Crawford et son partenaire... mais les problèmes de famille prennent le dessus. Lorsqu'il y a une vedette dans une famille, les rivalités peuvent empoissonner la vie.
Pendant le tournage de Chained (La Passagère, 1934), Joan rencontre son père biologique. Elle racontera plus tard : "Nous avons essayé d'entretenir une relation mais en vain. Le dernier jour, il est venu sur le plateau, les yeux emplis de larmes. Il m'a soufflé un baiser d'adieu et je ne l'ai jamais revu." Crawford fait dans l'excès. Elle tricote à tout-va en blâmant la nervosité de ses mains. Elle se dépense sans compter. Elle cherche cependant à contrôler ses amitiés et, de ce fait, elle se montre très possessive. Crawford se consacre à ses fans à qui, selon elle, elle doit tout son succès.
Crawford collabore avec le producteur Joseph Mankiewicz. A l'écran, elle devient plus indépendante et autoritaire. Elle incarne la femme libre aux Etats-Unis. Une femme sans père, mari, frère ou amant pour s'occuper d'elle. La MGM lui offre des rôles de femme sophistiquée dans des comédies avec Franchot Tone, qu'elle impose comme partenaire. Tone demande Crawford en mariage. Cette dernière répond : "Si on me reprend à me marier, flanquez-moi un coup de poing" Tone l'encourage à s'épanouir artistiquement dans des pièces radiodiffusées.
Le 11 octobre 1935, avant de se rendre au studio, Joan Crawford épouse Franchot Tone. Il est instruit et cultivé et elle aspire à être instruite et cultivée. Joan et Franchot passent des soirées tranquilles. Il l'initie à Tchekhov, Shaw et Shakespeare. Un nouveau monde s'ouvre à Crawford. Ironiquement, ce réveil culturel à la ville comme à l'écran semble déplaire à son public. La MGM réunit Crawford et Gable dans Love on the Run (Loufoque et cie, 1936). Mais la magie de ce couple, qui fonctionnait à merveille, semble avoir disparu. Les autres films de Gable sont bien accueillis, c'est donc le talent de Crawford qui s'émousse. Dans un espoir de raviver son image, la MGM la fait jouer aux cotés de son mari, Franchot Tone. Dans The Bride Wore Red (l'inconnue du palace, 1937), ils jouent des amants fidèles, à l'opposé de la réalité. Franchot est un homme à femmes. Il reçoit des appels dans la loge de Joan de femmes qu'il fréquente. Il leur parle au téléphone et Joan le laisse faire pendant qu'elle lit. Quand il a fini, il retourne dans sa loge. Son mariage est peut-être fragile mais la relation de Joan avec les techniciens du studio lui tient à coeur. Elle connait le prénom de tous les techniciens et elle sait que sa carrière repose sur eux. Son dernier film avec Joe Mankiewicz est Mannequin (1937). Mais la formule de la gentille vendeuse ne séduit plus le public. Sa relation avec Spencer Tracy est le seul point fort du film. Tout comme Gable, il est viril. Il joue au polo comme toute l'élite masculine d'Hollywood. Joan se met à aimer le polo malgré sa peur des chevaux. Tracy l'aide à surmonter sa peur et ils deviennent amants. Malheureusement, il est déjà marié et ne veut pas se compliquer la vie. Leur liaison se termine sur le tournage et Mannequin est un échec.
En 1938 sort un article intitulé Poison du box-office selon lequel les gouffres financiers sont crées par Greta Garbo, Joan Crawford, Marlene Dietrich et bien d'autres. Crawford ne prend pas cette diatribe à la légère. En un an, elle passe du statut de reine du cinéma hollywoodien à celui de Poison du box-office. Son contrat de sept ans avec la MGM expire bientôt. Louis B. Mayer commence à former de jeunes acteurs et Joan sait que la compétition sera rude. Les studios utilisent l'article à leur avantage et lui offrent un contrat d'un an. La peur de quitter la sécurité des studios la pousse à baisser ses prix et à échanger un contrat plus long pour un moindre salaire. Elle signe un contrat de cinq ans et suggère à Mayer : "Plus de rôle de vendeuse" Crawford fait tout pour obtenir le rôle de Crystal Allen, une femme sans coeur, dans Women (Femmes, 1939). Louis B. Mayer est surpris qu'elle accepte un rôle de garce. Après avoir imploré George Cukor, elle décroche un rôle aux cotés de sa rivale, Norma Shearer... Joan n'avait pas tourné avec Shearer depuis qu'elle avait été sa doublure en 1925. Après avoir accepté tous les rôles déclinés par Norma et subit sa condescendance, la rage de Joan trouve enfin un exécutoire. Cukor connait très bien leur rivalité : il ne les réunira qu'à la dernière minute. Quand viennent les séances de photos, aucune ne veut arriver la première. Elles tournent sur le parking jusqu'à ce que Cukor les arrête et les sermonne. Elles font alors mine d'être de grandes amies. Women fait un énorme succès. Joan Crawford devient une actrice reconnue.
Le mariage entre Joan et Franchot est fragile et après plusieurs fausses couches, Joan apprend qu'elle n'aura jamais d'enfants. Lorsque Louella Parsons contacte Joan pour un scoop, elle lui en offre un de taille. Elle lui dit : "Franchot et moi divorçons." En mars 1939, elle divorce sur la base de souffrances morales. Elle a déjà en tête une nouvelle Joan Crawford. Elle veut être mère ! Elle fait une demande d'adoption mais elle lui est refusée. Sur le plan psychologique, elle ne convient pas, elle est célibataire. Elle fait alors appel à un revendeur d'enfants à Las Vegas... Elle adopte une fille qu'elle nomme Joan mais qui changera de prénom au profit de Christina.


Maternité, Phillip Terry et Warner
Après les joies de la maternité, Joan retrouve Clark Gable dans son premier film après Gone with the wind, Strange Cargo (Le Cargo Maudit, 1940). Seule femme du casting, elle affronte les difficiles conditions et livre une belle prestation. Pourtant, Clark Gable est en tête d'affiche. Joan proteste mais laisse vite tomber pour exiger de meilleurs rôles.
A woman's face (Il était une fois, 1941) marque une transition pour Joan. La femme la plus glamour d'Hollywood joue une femme balafrée... Elle joue parfaitement mais pas pour le box-office. La MGM ne fait rien pour que Joan soit nominée aux Oscars. Une idylle naît entre Joan et l'acteur de film B, Phillip Terry. Ils se marient le 21 juillet 1942 et adoptent un fils qu'ils prénomment Phillip Jr.
Le film When Ladies Meet (Duel de femmes, 1941) n'augure rien de bon pour Joan. Elle est écartée des studios comme ses contemporaines, Norma Shearer et Greta Garbo... Elle ne partage plus l'affiche avec de grands acteurs. Après 18 années à la MGM, Crawford demande à Louis B. Mayer d'annuler son contrat. A son grand désarroi, il accepte. Elle ne travaillera pas pendant trois ans et en cette période de seconde guerre mondiale, elle va toutes les semaines divertir les soldats à la Canteen.
Mais Jack Warner croyait encore en Joan Crawford. Il pense aussi que Bette Davis est une enquiquineuse et il pense donc les monter l'une contre l'autre...
Le directeur des studios a bien des soucis avec Crawford qui essaie de gagner du temps tout en sachant qu'un échec mettrait fin à sa carrière. Joan a déjà refusé une douzaine de films quand elle découvre le projet de : Mildred Pierce (Le Roman de Mildred Pierce, 1945) en gestation depuis des années. Bette Davis l'a refusé, Russel aussi et Crawford saute sur cette occasion. La Warner assigne ce projet à Michael Curtiz qui demeure sceptique à l'égard de Crawford. Une fois que Joan a passé un essai, le réalisateur est conquis. Dès sa sortie, ce film fait l'unanimité autant par le public que par les critiques.
La nuit des Oscars a été habilement orchestrée. Joan veut à tout prix recevoir un prix. Désespérée, elle reste au lit feignant une pneumonie. Un coup de fil lui annonce alors qu'elle est nominée et intervient alors une guérison miraculeuse et instantanée. Elle se brosse les cheveux et se maquille puis se recouche en attendant les journalistes, le réalisateur et son Oscar. Le lendemain, on la découvre dans la presse en train de recevoir son oscar dans son lit...
Phillip Terry est un échec dans la vie de Joan. Leur relation, qui ne repose sur aucune base solide, s'étiole. Comme chez ses personnages, l'alcoolisme fait basculer son existence... Elle devient tyrannique avec ses enfants. Dans sa jeunesse, elle avait été victime de sévices et elle reproduit le même schéma maintenant qu'elle est mère.
Avec Humoresque (1946), elle poursuit son ascension à la Warner en tant que vedette prestigieuse et a enchainé avec Possessed (La Possédée, 1947) qui lui a valu une nomination aux Oscars. Possessed lui permet d'interpréter des rôles que Davis monopolisait jusqu'à maintenant à la Warner. A l'origine, celui-ci est attribué à Davis, qui doit décliner l'offre pour cause de congé maternité. Côté carrière, Crawford a le vent en poupe. On ne peut pas en dire autant pour Davis... Quand Louella Parsons s'extasie devant le bébé de Bette, Crawford débarque au studio avec deux nouveaux enfants sous les bras !
Joan Crawford signe son retour à l'écran avec un mélodrame, où elle incarne une fille dure, rôle qui a fait son renom Flamingo Road (Boulevard des passions, 1949). Elle introduit une note d'humour. Elle tourne ensuite the damned don't cry (L'Esclave du gang, 1950), dirigé par Vincent Sherman avec qui débutera une liaison de trois ans. Joan voudra même que celui-ci divorce pour l'épouser mais il comprend que leur relation est vouée à l'échec : Joan fait partie de ces femmes (comme Bette Davis) qui ont constamment besoin d'être acceptées et admirées.
Dans Harriet Craig (La Perfide, 1950), elle incarne une femme obsédée par la tenue de son intérieur qui néglige son mari et son entourage. Elle est comme ça dans la vie également, très stricte avec ses enfants. En 1951, les récents films de Joan à Warner Brothers font un bide au box-office. Le studio lui envoie alors des scénarios médiocres pour l'inciter à refuser les projets suivants. C'est le cas de This Woman Is Dangerous (La Reine du hold-up, 1952), mélodrame sordide qu'elle accepte tout en demandant à son agent, Lew Wasserman, de rompre son contrat avec la Warner.
Indépendante
Crawford quitte la Warner pour rejoindre des vedettes travaillant en indépendant. Elle tourne ainsi un film à suspense intitulé Sudden fear (Le Masque arraché, 1952). Joan refuse judicieusement ses cachets habituels et demande à la place de toucher 40% des bénéfices du film. Elle est récompensée lorsqu'il fait un tabac. Il lui vaut une troisième nomination aux Academy Awards.
Joan est perturbée par les changements secouant Hollywood. Il y règne une plus grande tolérance face à la sexualité. Elle dit de Marilyn Monroe : "Marilyn affiche sa sexualité. Moi j'ai toujours su rester discrète". Ses propos font la une des journaux.
Quand la MGM la rappelle pour la comédie musicale Torch Song (La Madone gitane, 1953), elle est aux anges. Le service de presse du studio célèbre son retour en grande pompe avec une banderole de bienvenue et un tapis rouge qui est déroulé de la rue à sa loge. Cependant, le budget du film et le programme de tournage laissent à désirer. C'est un film de série B mais elle peut exposer son corps bien conservé. Torch Song fait exploser le box-office. Joan a un instinct de survie à toute épreuve. Elle se réinvente sans cesse en expérimentant les genres, comme le western Johnny Guitar (Johnny Guitare, 1954). Film dont le tournage est explosif avec Mercedes McCambridge...
Dans les années 50, la revue de fans, qui servait de refuge à Joan, se transforme en presse à scandale, étalant les détails sordides de la vie privée des vedettes. Mais ce sont ses rapports avec ses fans qui lui procurent la joie la plus durable : elle fait beaucoup de publicités, elle répond à ses fans, signe des autographes. Tandis que ses personnages se font impitoyables à l'écran, son apparence se durcit dans la réalité. Elle déteste ce changement. Dans Female on the beach (la Maison sur la plage), drame d'Universal de 1955, elle interdit même qu'on la filme en gros plan après 16h30...
Les 20 dernières années
Joan Crawford épouse Alfred Steele, directeur de Pepsi-Cola en 1955.
Dans Autumn leaves (Feuilles d'Automne, 1956), elle donne la réplique au jeune Cliff Robertson. S'ensuit le tournage du film The Story of Esther Costello (le Scandale Costello, 1957), son dernier avant une pause de trois ans. Elle trouve moyen de canaliser son indomptable énergie en devenant l'ambassadrice de Pepsi. Mais Alfred Steele décède en 1959, laissant Joan totalement effondrée. Après le décès de ce 4ème mari, Joan sombre dans le désespoir et la misère. A 53 ans, elle se voit obligée de trouver du travail à Hollywood. Elle entreprend un film qui donne un coup de fouet à sa carrière : What Ever Happened to Baby Jane? (Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?, 1962) aux côtés de Bette Davis. Ce film permet à ces deux ennemies jurées de donner libre cours à leur vieille haine. Durant le tournage, Davis donne vraiment un coup de pied à Joan. Elle s'excusera plus tard pour les deux points de suture occasionnés. Onze jours après la sortie nationale du film, les 825 000 dollars de frais de production ont été remboursés.
Joan enchaîne avec le drame psychologique The Caretakers (1963) pour United Artists mais le public réclame un autre film d'horreur avec Bette et Joan qui tiennent l'affiche de Hush... Hush, sweet Charlotte (Chut, chut, chère Charlotte, 1964). Mais Joan ne peut supporter un nouveau film avec Bette et se fait hospitalisée en prétextant une pneumonie. Elle sera remplacée par Olivia de Havilland.
Baby Jane fut le dernier film important de Joan. Elle tourne dans des films d'horreur avec Bill Castle et acquière ainsi la réputation de reine de l'épouvante. Les films d'horreur de Joan font recette mais sa réputation à Hollywood en fait les frais et les offres se tarissent.
Son identité est inextricablement liée à la gloire. Elle poursuit sa carrière à la télé quand les films se raréfient. Elle joue pour Steven Spielberg en 1969 alors qu'il est encore un réalisateur en herbe, ce qu'elle prend pour un affront : un débutant pour diriger une star comme elle... Son alcoolisme lui joue alors des tours sur le plan professionnel et elle est incapable de mémoriser ses répliques. Elle ne travaille pratiquement plus mais est présente dans des débats télévisés.
Joan est mise à la porte de Pepsi-Cola car elle avait autrefois critiqué le futur président du comité et celui-ci l'a évincée. Devant se serrer la ceinture, elle emménage dans un petit appartement.
D'autre part, elle cache son cancer à tout le monde mais prend des dispositions tandis qu'elle se sait mourante. Joan Crawford s'éteint le 10 mai 1977. Lors de la messe de souvenir, George Cukor rend hommage à la légende en déclarant qu'elle incarnait la star idéale, celle qui avait été forgée par une volonté de fer. Elle était bien sûr dotée d'atouts remarquables : une naturelle vivacité d'esprit, une énergie débordante, une jolie silhouette et un visage unique : extraordinaire sculpture de courbes et de surfaces planes... Captant merveilleusement la lumière, il était photogénique sous tous les angles. En se rapprochant, la caméra adoucissait et apprivoisait son visage. Ses yeux pétillaient et ses lèvres s'offraient dans une extase sensuelle. La caméra avait immortalisé une facette qu'elle n'avait dévoilée à aucun amant.
A sa mort, son testament stipule : "J'ai décidé de ne léguer aucun bien à mon fils Christopher et ma fille Christina pour des raisons qu'eux seuls connaissent". A la suite de cela, choquée, Christina écrira le livre "Maman très chère". Ce livre ouvre les yeux du public sur l'enfance maltraitée mais terni affreusement l'image de Joan Crawford...