Jennifer Jones - Duel au soleil
Duel au soleil (Duel in the Sun) est un western américain réalisé en 1946 par King Vidor (pour la plupart des scènes) et produit par David Selznick.
Duel in the sun - Wikipedia (english)
Scott Chavez est condamné à la pendaison pour avoir assassiné sa femme, une Indienne, et son amant. Avant de mourir, il confie sa fille, Pearl (Jennifer Jones), à une ancienne amie, Laura Belle McCanless (Lillian Gish), installée dans un ranch texan avec son mari, Jackson, sénateur infirme, et ses deux fils, Jesse (Joseph Cotten) et Lewt (Gregory Peck). Pearl est fort mal accueillie par le père, à cause de son métissage, mais plaît immédiatement aux deux frères.
Jesse, un gentleman, garde ses sentiments pour lui alors que son cadet, Lewt, un voyou sans scrupules, cherche aussitôt à séduire la jeune fille. Pearl, qui a promis à son père de devenir une jeune fille honorable, résistera autant qu'elle peut avant de céder à Lewt, dont elle devient physiquement dépendante, mais qui ne veut en aucune façon, l'épouser. Elle choisit alors d'épouser un autre homme, Sam Pierce. Elle ne l'aime pas, il est pauvre et plus âgé qu'elle mais se propose de la rendre heureuse. Ne pouvant supporter cette nouvelle, Lewt le retrouve et le tue. Désormais recherché pour meurtre, il fuit. Une nuit, de passage au ranch, il retrouve Pearl, qui l'éconduit tout d'abord, mais qu'il parvient à charmer. Il se cache dans sa chambre pour éviter le shérif qui le cherche. Pearl, dans un élan de passion, se propose de suivre Lewt. Mais, égoïstement, il la rejette, préférant de très loin sa liberté. Il part, la laissant en pleurs.
À la mort de Laura-Belle, Pearl est effondrée. Jesse la prend sous son aile. Lewt, ayant eu vent de cette nouvelle, retrouve Jesse et tire sur lui. Il envoie ensuite l'un de ses complices faire dire à Pearl de le retrouver pour un dernier baiser avant sa fuite. Craignant pour la vie de Jesse, elle le rejoint dans les montagnes brûlées par le soleil sans avoir aucunement l'intention de l'embrasser. Sur place, elle lui tire dessus et le blesse mortellement. Il agonise. Pearl, également touchée à la poitrine, rassemble ses dernières forces pour le rejoindre en rampant. Lewt ne veut pas mourir solitaire, il lui dit qu'il l'aime. Ils meurent ainsi, près l'un de l'autre.
" Il est des films dans l’histoire du cinéma qui dépassent toutes proportions raisonnables, produits de la volonté mégalomane de producteurs à qui le système hollywoodien laissait alors à peu près toute licence. Ce fut le cas de Duel au soleil, que réalisa, en 1946, King Vidor, pour David O’Selznick.
A l’origine, il y avait un roman de Niven Busch, qui sera par ailleurs scénariste de quelques beaux westerns shakespeariens et freudiens (La Vallée de la peur, Les Furies). Le récit se situe au Texas, bien après la guerre de Sécession, et le producteur d’Autant en emporte le vent avait sans doute la volonté de mêler western et drame sudiste en adaptant un best-seller audacieux.
On trouvera, avec moult précisions, tous ces détails dans le livre de Pierre Berthomieu qui accompagne le somptueux coffret DVD Blu-ray du film édité par Carlotta, Le Temps des folies : la fabrique de « Duel au soleil ». Historien du cinéma, spécialiste d’Hollywood, Berthomieu détaille la genèse d’un film au cours de laquelle le producteur ne voulut jamais lâcherprise, fit écrire puis réécrire le scénario, obsédé par le désir de donner un écrin à sa compagne, l’actrice Jennifer Jones. S’il embaucha King Vidor pour la mise en scène, il fit rajouter des séquences par d’autres cinéastes et non des moindres (William Dieterle, Josef von Sternberg).
Film monstrueux, Duel au soleil se caractérise ainsi par ce que Berthomieu appelle une « malédiction de l’impureté ». A qui attribuer la paternité artistique du film, celle des différents plans, entre un producteur interventionniste, trois réalisateurs et autant de directeurs de la photographie ? Il est désormais possible d’y voir plus clair à la lumière de ce travail archéologique minutieux. Tout ce savoir ne retire rien à la beauté du film et, s’il avoue une implication écrasante du producteur, rattache malgré tout de plein droit Duel au soleil à la filmographie de King Vidor.
Romantisme violent
Même si ce ne fut pas son premier choix, Selznick fit vraisemblablement appel à Vidor, un Texan d’origine, cinéaste de l’énergie vitale et tellurique, parce qu’il voyait en lui un réalisateur capable de mettre à nu toute la charge érotique de ce mélo du Sud décadent. L’heure est à l’avancée de la civilisation, incarnée par la progression du chemin de fer dans le Texas d’après la guerre de Sécession. Les grands barons du bétail s’opposent au rail, hostiles à tout ce qui menace leurs privilèges écrasants. L’Ouest change.
Pearl Chavez, le personnage incarné par Jennifer Jones, est une jeune métisse prise entre deux hommes, ses deux cousins, dont l’opposition est un symbole de l’Histoire en train de se faire. L’un incarne la raison (Joseph Cotten), l’autre la pulsion brute (Gregory Peck dans un de ses rares rôles de bad boy). Elle sera irrémédiablement liée au second par une intense attraction sexuelle.
Le film est notamment célèbre pour sa séquence finale, d’un romantisme violent, où deux amants s’entre-tuent en se déclarant leur amour, illustration à coups de Winchester et de colt 45 du principe « ni avec toi ni sans toi ». Avec ce film, Vidor apparaît définitivement comme le cinéaste de la passion au sens où elle est décrite par le philosophe Clément Rosset : « Convoiter un objet qu’on prend soin d’écarter en toutes circonstances. »
Jean-François Rauger - M Cinéma
" Mais Duel au soleil est avant tout un film sur l’amour fou que n’auraient pas renié les Surréalistes. Car nous sommes pleinement conscients dès le départ de l’irréalisme total des situations et des comportements menant à cette histoire d’amour violente, passionnelle et brulante, mélange d’amour / haine et de fascination / répulsion. Pourtant, la voix d’Orson Welles aurait dû nous mettre sur la piste lorsque, dès le début, elle nous parle bien de légende alors que la première image du film nous montre "Squaw’s Head Rock" rougeoyant au crépuscule, le lieu où s’est déroulé ce duel rageur et sanglant d’amour et de mort. Une relation passionnelle entre une femme sensuelle et constamment désirable et un homme viscéralement odieux et machiste dont l’attraction est aussi fascinante qu’incompréhensible, la force du désir sexuel semblant tout emporter. Il est d’ailleurs étonnant que la moiteur de ce couple soit passée aussi facilement à travers les mailles du Code Hayes et de la censure ; il faut avoir vu Jennifer Jones à quatre pattes en train de briquer le sol de sa chambre, sa croupe bien en vue, et Gregory Peck arrivant derrière elle le regard libidineux pour se demander comment une Amérique aussi puritaine a pu acclamer le film. Le goût et l’attrait de l’interdit sans doute. Une image en tout cas fichtrement audacieuse que n’aurait d’ailleurs probablement pas reniée un Erich von Stroheim. La tuerie finale est l’aboutissement logique de ces relations orageuses : après s’être pris au travers de la figure une tartine de confiture, une gifle et une serpillère, Gregory Peck finira avec une balle dans le ventre, sa meurtrière se traînant littéralement vers lui pour mourir dans ses bras après un dernier baiser sauvage. Fameux et fabuleux final qui ne perd aucunement sa puissance évocatrice malgré les multiples visionnages !
« J’étais parti sur l’idée d’une intrigue poignante. C’est ce que je m’efforçais de réussir. Je cherchais à avoir une bonne interprétation sans exagération ni scènes exacerbées... Mais Selznick a voulu dramatiser les scènes, rendant le tout de plus en plus grand, selon son style habituel » disait King Vidor. Celui-ci ne souhaitait pas en arriver à ce que son œuvre bifurque de la sorte et, excédé par la mainmise de son producteur sur tous les aspects du tournage, il décida de quitter les plateaux en août 1945. Même si les premières incursions de Vidor dans le genre étaient loin de nous faire préfigurer Duel au soleil, il n’en reste pas moins que sa patte se fait sentir presque tout du long même si celle de Selznick est encore plus présente. Leur collaboration confine néanmoins au génie à de nombreuses reprises, et beaucoup de leurs options de mise en scène demeurent encore aujourd'hui hallucinantes de beauté et de culot : une expressivité picturale assez unique dans le genre. Il n’est pourtant pas inutile de répéter que tout est expressément exagéré et que cette surenchère ne pourra pas plaire à tout le monde. Les autres y trouveront probablement un sommet incandescent de lyrisme démesuré."
DVD Classik